Inverser le modèle alimentaire

Photo: La Tribune de André Vuillemin

Écrit par Simon Roberge de La Tribune

ACCÉDER AU LIEN DE L’ARTICLE ICI

 

Le Saint-Vrac propose des produits en vrac dans le petit village de Saint-Adrien depuis maintenant quelques années. Le commerce possède de plus en plus de produits, dont des légumes et des fruits frais, il a lancé une circulaire et il prépare même une présence en ligne. Mais au-delà de tout ça, les propriétaires, Conrad Goulet et Pierre Robichaud, souhaitent utiliser leur plateforme pour contrebalancer le système alimentaire tel qu’on le connaît.
 

Mais pas question non plus d’entrer dans une guerre ouverte, c’est plutôt avec des exemples et de la persévérance qu’ils souhaitent influencer les lois et ainsi transformer le système alimentaire.

« Notre but, c’est de rendre les incohérences du système visibles et que les gens puissent prendre une décision, explique Pierre Robichaud. Ce sont des enjeux systémiques. »

La vague d’achat local qui frappe le Québec est en quelque sorte un mirage difficilement applicable au quotidien selon Conrad Goulet.

« Si on travaille à trouver un nouveau système, c’est que celui qui est en place ne fonctionne pas, souligne-t-il. C’est bien beau que Legault dise d’acheter local, mais il parle plus vite que ce que les structures permettent. Ce ne sera pas à travers Métro, IGA, Maxi et Walmart que le local va se passer, ils dépendent de la grosse industrie. »

Les deux hommes souhaitent rapprocher les cultivateurs, fermiers, cueilleurs et producteurs de tout genre de leur communauté.

« Il y a un écart énorme entre le système industriel qu’on a créé et le volet artisanal, explique Pierre Robichaud. La croissance de l’industrie a mis en place des structures comme des coops fédérées qui font une mise en marché en commun. Il n’y a pas de transparence. Il y a peut-être un gars qui fait de l’épeautre juste à côté, mais il l’envoie toute dans le conteneur qui est redistribué. Tout le système est basé de même. »

« C’est anti-local, lance son partenaire. On a quelqu’un qui fait du bœuf ici. Ses animaux ne mangent pas de grain, juste du foin, ce qui est vraiment bon. S’il nous le vendait, il faudrait passer par un abattoir fédéral puis une boucherie et finalement quand il arriverait ici, il serait le double du prix des épiceries. Dans ce que les épiceries vendent, les grains sont subventionnés et la ferme est subventionnée. Il y a tout un processus complexe pour avoir ton bœuf à 3,99 $ la livre. Il a été subventionné à l’os et rempli de produits chimiques. »

Aider à entreprendre

Conrad Goulet et Pierre Robichaud souhaitent donc montrer qu’il est possible de fonctionner différemment et veulent aider les gens à embarquer dans ce projet.

« Étant donné qu’il y a eu une centralisation de l’économie dans les grands centres, on est en train d’inverser le modèle et d’offrir une plateforme pour que les gens s’entreprennent, souligne M. Robichaud. On ne veut pas appeler ça un incubateur d’entreprises, parce que ce n’est pas ça. Il y a déjà des gens de deux villages autour intéressés et on travaille avec eux pour voir ce qu’ils veulent faire. »

L’objectif derrière tous les efforts de Conrad Goulet et Pierre Robichaud est, à terme, la souveraineté alimentaire.

« On ne veut pas continuer et être à la Bourse, acheter d’autres épiceries ou des dépanneurs aux États-Unis », assure Conrad Goulet.

Ils admettent toutefois que la tâche devant eux est colossale.

« Le défi qu’on s’est donné est énorme et on s’en rend compte », résume Pierre Robichaud.